dimanche 7 février 2016

Le petit Prince, le renard et la rose

Le renard (...) regarda longtemps le petit prince :
 " S'il te plaît... apprivoise-moi ! dit-il.
- Je veux bien, répondit le petit prince, mais je n'ai pas beaucoup de temps. J'ai des amis à découvrir et beaucoup de choses à connaître.
- On ne connaît que les choses que l'on apprivoise, dit le renard. Les hommes n'ont plus le temps de rien connaître. Ils achètent des choses toutes faites chez les marchands. Mais comme il n'existe pas de marchands d'amis, les hommes n'ont plus d'amis. Si tu veux un ami, apprivoise-moi !" 


Afficher l'image d'origine- Que faut-il faire ? dit le petit prince. 


- il faut être très patient, répondit le renard. Tu t'assoiras d'abord un peu loin de moi, comme ça, dans l'herbe. Je te regarderai du coin de l'oeil et tu ne diras rien. Le langage est source de malentendus. Mais, chaque jour, tu pourras t'asseoir un peu plus près ..."
Le lendemain revint le petit prince. " Il eût mieux valu revenir à la même heure, dit le renard. Si tu viens, par exemple, à quatre heures de l'après-midi, dès trois heures je commencerai d'être heureux. Plus l'heure avancera, plus je me sentirai heureux. A quatre heures, déjà, je m'agiterai et je m'inquiéterai : je découvrirai le prix du bonheur ! Mais si tu viens n'importe quand, je ne saurai jamais à quelle heure m'habiller le cœur... Il faut des rites(1)

- Qu'est-ce qu'un rite ? dit le petit prince.
- C'est aussi quelque chose de trop oublié, dit le renard. C'est ce qui fait qu'un jour est différent des autres jours, une heure, des autres heures" [...] 



Ainsi, le petit prince apprivoisa le renard. 

Et quand l'heure du départ fut proche :
"Ah, dit le renard... je pleurerai.
- C'est ta faute, dit le petit prince, je ne te souhaitais point de mal, mais tu as voulu que je t'apprivoise...
- Bien sûr, dit le renard.
- Mais tu vas pleurer ! dit le petit prince.
- Bien sûr, dit le renard
- Alors tu n'y gagnes rien !
- J'y gagne, dit le renard, à cause de la couleur du blé." Puis il ajouta : " Va revoir les roses. Tu comprendras que la tienne est unique au monde. Tu reviendras me dire adieu, et je te ferai cadeau d'un secret." 


Le petit prince s'en fut revoir les roses : " Vous n'êtes pas du tout semblables à ma rose, vous n'êtes rien encore, leur dit-il. Personne ne vous a apprivoisées et vous n'avez apprivoisé personne. Vous êtes comme était mon renard. Ce n'était qu'un renard semblable à cent mille autres. Mais j'en ai fait mon ami, et il est maintenant unique au monde." Et les roses étaient bien gênées. " Vous êtes belles, mais vous êtes vides, leur dit-il encore. On ne peut pas mourir pour vous. 


Bien sûr, ma rose à moi, un passant ordinaire croirait qu'elle vous ressemble. Mais à elle seule elle est plus importante que vous toutes, puisque c'est elle que j'ai arrosée. 



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Puisque c'est elle que j'ai mise sous globe. Puisque que c'est elle que j'ai abritée par le paravent. Puisque c'est elle dont j'ai tué les chenilles (sauf les deux ou trois pour les papillons). Puisque c'est elle que j'ai écoutée se plaindre, ou se vanter, ou même quelquefois se taire. Puisque c'est ma rose."


Et il revint vers le renard :
" Adieu, dit-il...
- Adieu, dit le renard. Voici mon secret. IL est très simple : on ne voit bien qu'avec le cœur. L'essentiel est invisible pour les yeux.
- L'essentiel est invisible pour les yeux, répéta le petit prince, afin de se souvenir.
- C'est le temps que tu as perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante.
- C'est le temps que j'ai perdu pour ma rose..., fit le petit prince, afin de se souvenir.
- Les hommes ont oublié cette vérité, dit le renard. Mais tu ne dois pas l'oublier. Tu deviens responsable pour toujours de ce que tu as apprivoisé. Tu es responsable de ta rose...
- Je suis responsable de ma rose...", répéta le petit prince, afin de se souvenir.

" Les étoiles sont belles, à cause d'une fleur que l'on ne voit pas.."

" Ce qui m'émeut si fort de ce petit prince endormi, c'est sa fidélité pour une fleur, c'est l'image d'une rose qui rayonne en lui comme la flamme d'une lampe, même quand il dort..." Et je le devinai plus fragile encore. Il faut bien protéger les lampes : un coup de vent peut les éteindre...
On risque de pleurer un peu si l'on s'est laissé apprivoiser ...

De nouveau je me sentis glacé par le sentiment de l'irréparable. Et je compris que je ne supportais pas l'idée de ne plus jamais entendre ce rire. C'était pour moi comme une fontaine dans le désert.

" Ce qui est important, ça ne se voit pas... - Bien sûr... - C'est comme pour la fleur. Si tu aimes une fleur qui se trouve dans une étoile, c'est doux la nuit, de regarder le ciel. Toutes les étoiles sont fleuries. - Bien sûr - C'est comme pour l'eau. Celle que tu m'as donnée à boire était comme une musique, à cause de la poulie et de la corde... tu te rappelles... elle était bonne.


- Bien sûr...
- Tu regarderas, la nuit, les étoiles. C'est trop petit chez moi pour que je te montre où se trouve la mienne . C'est mieux comme ça. Mon étoile, ça sera pour toi une des étoiles. Alors, toutes les étoiles, tu aimeras les regarder... Elles seront toutes tes amies. Et puis je vais te faire un cadeau..."
Il rit encore. " Ah ! petit bonhomme, j'aime entendre ce rire ! - Justement ce sera mon cadeau... ce sera comme pour l'eau...
- Que veux-tu dire ?
- Les gens ont des étoiles qui ne sont pas les mêmes. Pour les uns, qui voyagent, les étoiles ne sont que des guides . Pour d'autres elles ne sont rien que de petites lumières. Pour d'autres, qui sont savants, elles sont des problèmes. Pour mon businessman, elles étaient de l'or. Mais toutes ces étoiles-là se taisent. Toi, tu auras des étoiles comme personne n'en a...
- Que veux-tu dire ?
- Quand tu regarderas le ciel, la nuit, puisque j'habiterai dans l'une d'elles, puisque je rirai dans l'une d'elles, alors ce sera pour toi comme si riaient toutes les étoiles. Tu auras, toi, des étoiles qui savent rire !"
Et il rit encore.
" Et quand tu seras consolé (on se console toujours) tu seras content de m'avoir connu. Tu seras toujours mon ami. Tu auras envie de rire avec moi. Et tu ouvriras parfois ta fenêtre, comme ça, pour le plaisir... Et tes amis seront bien étonnés de te voir rire en regardant le ciel. Alors tu leur diras : "Oui, les étoiles, ça me fait toujours rire ! " Et ils te croiront fou. Je t'aurai joué un bien vilain tour..."
Et il rit encore. " Ce sera comme si je t'avais donné au lieu d'étoiles, des tas de petits grelots qui savent rire..." Et il rit encore. Puis, il redevint sérieux : " Cette nuit... tu sais... ne viens pas. - je ne te quitterai pas. - J'aurai l'air d'avoir mal... J'aurai un peu l'air de mourir. C'est comme ça. Ne viens pas voir ça, ce n'est pas la peine... - Je ne te quitterai pas."
Cette nuit-là je ne le vis pas se mettre en route. Il s'était évadé sans bruit. Quand je réussis à le rejoindre, il marchait décidé, d'un pas rapide. Il me dit seulement :
" Ah ! tu es là..." Et il me prit la main. Mais il se tourmenta encore : " Tu as eu tort. Tu auras de la peine. J'aurai l'air d'être mort et ce ne sera pas vrai..."
Moi je me taisais. " Tu comprends. C'est trop loin. Je ne peux pas emporter ce corps-là. C'est trop lourd."
Moi je me taisais. " Mais ce sera comme une vieille écorce abandonnée. Ce n'est pas triste les vieilles écorces..."
Moi je me taisais."

Antoine de Saint-Exupery

(1) Maitre Saint-Germain a certainement lu Le Petit Prince car c'est de cette manière qu'il nous convie à approcher les Etres de la Nature, dans un rituel, au même endroit...
(Manifester ses pouvoirs spirituels. Tome II. Communiquer avec les Mondes subtils,
via Pierre Lessard)

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